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L'Europe contre l'innovation et le progrès.

  • francknegro1900
  • 24 sept. 2024
  • 4 min de lecture

Dans une lettre ouverte publiée le jeudi 19 septembre, un groupe d’entreprises, de chercheurs et d’institutions, majoritairement européens ou pour lesquels l’Europe constitue un marché essentiel, dénonce l’incohérence d’un cadre réglementaire qui serait, selon eux, la cause principale du retard croissant du Vieux Continent dans le domaine de l’innovation technologique et de l’intelligence artificielle.

 

« Nous sommes un groupe d’entreprises, de chercheurs et d’institutions qui font partie intégrante de l’Europe et qui œuvrent au service de centaines de millions d’Européens. Nous voulons voir l’Europe réussir et prospérer, notamment dans le domaine de la recherche et des technologies de pointe en matière d’IA. Mais la réalité est que l’Europe est devenue moins compétitive et moins innovante que d’autres régions et qu’elle risque désormais de prendre encore plus de retard dans l’ère de l’IA en raison de décisions réglementaires incohérentes. »

 

Pourtant berceau historique de la révolution scientifique et technologique, le Vieux Continent semble aujourd’hui perdre en compétitivité face à des régions jugées beaucoup plus avancées, telles que les États-Unis, la Chine ou encore l’Inde, dont les cadres juridiques en matière de numérique apparaissent, sinon moins contraignants, du moins plus cohérents. Les auteurs de la lettre ouverte précisent qu’il ne s’agit pas de réclamer une absence de régulation de l’intelligence artificielle, mais bien davantage de plaider pour une clarification des règles concernant deux innovations majeures à leurs yeux : (1) les modèles ouverts d’IA, et (2) les modèles multimodaux capables de générer simultanément du texte, des images et de la voix.

 

Le texte prend la forme d’un plaidoyer en faveur des modèles ouverts, par opposition aux modèles fermés tels que Gemini (Google) ou GPT-4 (OpenAI). Cette orientation explique la présence parmi les signataires de Mark Zuckerberg et Yann Le Cun (Meta), défenseurs d’une mise à disposition des modèles pour permettre à tout acteur de développer librement des applications à la fois socialement et économiquement bénéfiques. Les auteurs mettent en avant plusieurs avantages des modèles ouverts : renforcement de la souveraineté technologique, contrôle accru sur les données, possibilité pour les organisations de télécharger et d’affiner localement les modèles sans être contraintes d’envoyer leurs données à des tiers. En conclusion, ils appellent les décideurs européens à adopter rapidement un cadre harmonisé et clair, susceptible de favoriser une utilisation responsable des données tout en soutenant la prospérité économique, la croissance scientifique et le leadership technologique de l’Europe pour les décennies à venir.

 

Cette initiative fait directement écho à une tribune publiée le 23 août 2024, co-signée par Mark Zuckerberg (Meta) et Daniel Ek (Spotify). Les deux dirigeants y dénonçaient déjà, selon leurs termes, « l’incohérence » de la réglementation européenne, tout en défendant la promotion d’une IA open source. On y retrouve les mêmes arguments : perte de compétitivité de l’Europe par rapport aux autres grandes régions du monde, valorisation des modèles ouverts et multimodaux comme leviers d’innovation scientifique, économique et sociale. Les signataires appelaient, de manière à peine voilée, les responsables politiques européens à choisir entre moderniser leurs approches réglementaires ou courir le risque de perdre la bataille mondiale de l’intelligence artificielle.

 

C’est dans ce contexte que Mark Zuckerberg annonça la suspension du lancement en Europe de Meta AI, son assistant d’intelligence artificielle intégré à Facebook et Instagram. Tim Cook, PDG d’Apple — qui n’avait pas signé la lettre ouverte — invoqua pour sa part les incertitudes liées au Digital Markets Act (DMA) pour justifier le report en Europe du lancement de son propre assistant d’IA ainsi que de trois fonctionnalités initialement prévues sur l’iPhone 16.

 

Les tensions sont encore renforcées par la décision de la CNIL irlandaise d’interdire à Meta l’utilisation des contenus publiés sur ses plateformes sociales pour entraîner ses modèles d’IA, sauf à recueillir le consentement explicite des utilisateurs. Or, comme l’a rappelé Joëlle Pineau, vice-présidente de la recherche en IA chez Meta, il s’agit de données partagées publiquement, et non de conversations privées (comme celles échangées sur Messenger). Elle souligne également l’importance d’entraîner les modèles sur des données reflétant la langue et la culture européennes afin d’éviter une domination exclusive des modèles anglo-saxons.

 

Du côté des institutions européennes, Bruxelles défend sa ligne réglementaire. La Commission rappelle que les textes européens sont « pro-innovation », puisqu’ils unifient les marchés nationaux, préviennent la constitution de positions monopolistiques et encouragent la concurrence ouverte. Elle cite à l’appui l’exemple de TikTok, contraint de renoncer au lancement de TikTok Lite en Europe, jugé contraire au Digital Services Act (DSA). L’éditeur Mozilla estime, pour sa part, que « plutôt que de consacrer temps et énergie à contester la réglementation, les signataires de la lettre ouverte devraient se concentrer sur la manière de rendre leurs systèmes plus ouverts et plus transparents ».

Le débat s’est encore intensifié avec la publication du rapport Draghi. L’ancien président de la Banque centrale européenne y appelle à un assouplissement de certaines régulations, jugées trop restrictives, afin de permettre à l’Europe d’innover et de tirer pleinement parti des gains de productivité et de croissance que l’intelligence artificielle devrait générer dans les années à venir.

 

 

 

 

 

 

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