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Oligarchie technologique et démocratie.

  • francknegro1900
  • 24 janv.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 18 sept.

Dans sa leçon de géopolitique du 25 janvier 2025, la célèbre émission éducative revient sur la cérémonie d’investiture de Donald Trump à la présidence des États-Unis, qui a eu lieu le 20 janvier 2025 à la Maison-Blanche. La présence au premier rang des grands noms de la Tech américaine comme Elon Musk (X), Jeff Bezos (Amazon), Tim Cook (Apple), Sundar Pichai (Google), ou encore Mark Zuckerberg (Meta), témoigne de l’allégeance soudaine que ces derniers prêtent au président républicain depuis maintenant plusieurs semaines. Il faut souligner également la présence du dirigeant de TikTok, Shou Zi Chew. Comment expliquer ces nombreux revirements, demande l’animatrice de l’émission ? Mais surtout, quelles conséquences cela peut-il avoir sur le débat public, le fonctionnement de nos démocraties et les réseaux sociaux ?


Olivier Alexandre, directeur adjoint du Centre Internet et Société, et auteur en 2023 du livre La Tech. Quand la Silicon Valley refait le monde, rappelle que, sur ces quarante dernières années, la Silicon Valley a été portée, grâce au déploiement grand public d’internet et du web, par l’idéal démocratique fondé sur le partage des connaissances, qui serait en train d’être défait sous nos yeux. Sous couvert de faire croire qu’ils incarnent l’avant-garde de la liberté d’expression et du progrès technologique contre la bureaucratie régulatrice que représente à leurs yeux l’Union européenne, jamais les sociétés de la Tech américaine n’auraient exercé en réalité autant d’effets de domination qu’aujourd’hui.

 

Lors de son discours d’adieu à la nation, télévisé le mercredi 15 janvier, Joe Biden a lancé, d’un ton grave, un message d’alerte au peuple américain au sujet de "l’avènement potentiel d’un complexe techno-industriel qui pourrait faire courir de vrais dangers à notre pays". Selon l’ancien président démocrate, "une oligarchie prend forme en Amérique, faite d’extrême richesse, de pouvoir et d’influence, qui menace notre démocratie entière, nos droits élémentaires, nos libertés, et la possibilité pour chacun d’avoir une chance équitable de s’en sortir." L’oligarchie que pointe Biden fait directement référence aux milliardaires de la Tech entourant le nouveau président républicain Donald Trump, au premier rang desquels le patron de Tesla, SpaceX et X, Elon Musk, mais également Jeff Bezos (Amazon, Blue Origin) et Mark Zuckerberg (Meta).

 

Et le vieil homme de 82 ans d’ajouter : "Les Américains sont ensevelis sous une avalanche de mésinformations et désinformations, ce qui permet les abus de pouvoir. La presse libre s’effondre, les rédacteurs en chef disparaissent. Les réseaux sociaux abandonnent la vérification des faits. La vérité est étouffée par des mensonges, proférés pour le pouvoir et le profit." Il en appelle ainsi à demander aux plateformes sociales de rendre des comptes "pour protéger nos enfants, nos familles et notre démocratie des abus de pouvoir", et à mettre en place des « garde-fous » pour l’intelligence artificielle.

 

C’est précisément pour l’ensemble de ces raisons que Biden parle d’oligarchie, faisant référence à un petit groupe de personnes et d’entreprises extrêmement riches et sans véritable légitimité politique, appartenant majoritairement au secteur des technologies (Silicon Valley), qui contrôlerait aujourd’hui le gouvernement et qui serait en capacité non seulement d’infléchir la politique de Trump, mais également d’influencer fortement, pour ne pas dire manipuler, l’opinion publique.

 

Si l’oligarchie n’est pas un phénomène nouveau, puisqu’elle est déjà théorisée par Aristote au Ve siècle av. J.-C. dans son ouvrage classique de philosophie politique : Politique, elle prend aujourd’hui une forme inédite en tant que résultat progressif de l’emprise toujours plus importante des technologies numériques sur toutes les sphères de la vie domestique, économique, sociale, politique et géopolitique. C’est donc à dessein que l’on peut parler aujourd’hui "d’oligarchie technologique", du simple fait : 1) que le pouvoir est détenu par un petit nombre de personnes très riches (ce que dit précisément le terme "oligarchie"), 2) que ce pouvoir, légitimement conquis par des personnes au talent certain, tient précisément au fait que ces personnes et organisations contrôlent ce qui constitue une grande partie de la puissance des États modernes, à savoir : l’écosystème technologique et numérique formé des puces, de la puissance de calcul, des infrastructures, des modèles algorithmiques, des plateformes applicatives et des données.

 

Dans son fameux rapport annuel Artificial Intelligence Index Report 2024, publié chaque année par l’Université de Stanford, les auteurs rappelaient qu’en 2023, 61 modèles d’IA notables avaient été développés par des institutions américaines, contre 21 pour l’UE et 15 pour la Chine. Sans compter l’extraordinaire présence des acteurs américains à chacune des étapes de la chaîne de valeur de l’IA générative, de la conception des puces, en passant par les infrastructures, les modèles de fondation et les applications. Seule ombre au tableau : l’extraction des matières premières où la Chine garde un train d’avance, et pour quelques années encore.

 

D’où la double opposition – et c’est ici que les propos du président Biden sont intéressants – du régime oligarchique (qu’Aristote soulignait déjà), à la fois au régime démocratique (pouvoir du plus grand nombre), et au régime aristocratique (pouvoir d’un petit nombre de riches mais dans l’intérêt général de tous). Contrairement à l’aristocrate, avec lequel il partage les mêmes attributs économiques, l’oligarque est donc celui qui cherche avant tout à défendre ses propres intérêts et à préserver ses privilèges.

 

C’est ainsi que Mark Zuckerberg aurait publiquement partagé son souhait de conseiller Trump sur la politique à mener en matière d’intelligence artificielle et de technologie en général. Tandis que Musk aurait dépensé près de 200 millions de dollars dans la campagne de Trump, réussissant le tour de force de transformer son pouvoir économique en pouvoir politique. Ce qui pose un réel problème de conflit d’intérêts, puisque les sociétés de Musk, comme SpaceX par exemple, dépendent fortement de leurs contrats avec le gouvernement fédéral américain via, par exemple, la NASA (National Aeronautics and Space Administration, l’agence spatiale des États-Unis, responsable de la recherche et du développement des technologies liées à l’exploration de l’espace et de l’aéronautique), ou le département de la Défense. Le logiciel de conduite autonome "Full Self-Driving" (FSD) de Tesla est actuellement sous enquête par la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) aux États-Unis, suite à plusieurs accidents graves impliquant des véhicules Tesla. Parmi ces accidents, un piéton a été mortellement percuté, et un autre incident a causé des blessures graves.


Enfin, Musk n’est pas seulement un simple entrepreneur de la Tech, mais aussi le patron, depuis 2022, de Twitter, qu’il a rebaptisé X. Son pouvoir d’influence et de manipulation de l’opinion publique, notamment en période d’élection présidentielle, est d’autant plus fort qu’il compte à lui seul plus de 204 millions de followers sur son compte X, mais qu’il a surtout la possibilité d’ajuster les algorithmes de la plateforme afin de servir de chambre d’écho aux contenus et aux idées de Trump, lesquelles résonnent avec ses propres idées et intérêts personnels. Il contrôle également le réseau de satellites Starlink (filiale de SpaceX, créée pour fournir un service d’internet par satellite à haut débit), qu’il a mis à disposition de l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie. Avant l’élection officielle de Trump, le futur vice-président des États-Unis, J. D. Vance, aurait menacé l’Europe de retirer les États-Unis de l’OTAN si l’Union européenne continuait à réguler davantage les plateformes de Musk.

 

 

 

 

 

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